Emmanuelle Rallet : « La voix des femmes devient incontournable »

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Avocate au barreau de Mulhouse depuis 20 ans, spécialisée en droit du travail, Emmanuelle Rallet (47 ans) est née en Haute-Marne et a vécu un peu plus de vingt ans à Strasbourg avant de s’installer à Mulhouse en 2002. Divorcée, maman d’un ado de 14 ans, elle aime la nature, courir en forêt, et plus particulièrement la montagne. Emmanuelle Rallet est également membre de l’association Femmes Chefs d’Entreprise depuis 12 ans et engagée, bénévolement, dans d’autres structures.

Un sport, une ville, un territoire

Qu’est-ce que le sport féminin représente pour vous ? 

Le sport est souvent envisagé en termes de performance physique. Mais le goût de l’effort, l’importance du mental et l’envie de se dépasser sont autant de qualités nécessaires pour briller sportivement et les femmes ont ces compétences également. Le sport favorise par ailleurs la santé mais aussi et surtout l’épanouissement de chacune. Il renforce l’estime et la confiance en soi. 

Comment avez-vous fait votre place en tant que femme ? 

J’ai eu la chance d’avoir un mentor qui m’a donné confiance en moi : Maître Daniel Baum. J’étais sa collaboratrice, il m’a mis le pied à l’étrier, m’a appris les ficelles du métier d’avocat, plus particulièrement en droit du travail, puis m’a demandé de lui succéder lorsqu’il a pris sa retraite. 

Cela fut compliqué au début car j’étais jeune maman, il fallait jongler entre vie privée et professionnelle.  Cela a impliqué beaucoup de sacrifices. Il a fallu des années pour que je me sente à ma place, légitime, que je devienne celle que je suis aujourd’hui. 

J’ai ainsi été associée pendant près de 10 ans avec trois hommes. Pas toujours simple car nos visions divergeaient parfois, mais pour autant, cette collaboration a été riche d’enseignements. Ils m’ont fait confiance et j’ai beaucoup appris, sur le travail évidemment, et sur moi. 

C’est dans cette expérience que j’ai trouvé il y a deux ans, inspirée et soutenue par toutes les femmes merveilleusesque je côtoie depuis plus de 12 ans au sein de l’association Femmes Chefs d’Entreprises, l’énergie pour tout quitter, mes associés et le cabinet où je travaillais depuis 16 ans. J’ai monté mon propre cabinet. C’est une structure plus petite, plus souple, exclusivement féminine, bonnehumeur, sérieux et solidarité sont les maîtres mots. C’est un plaisir et un épanouissement quotidien que d’y travailler.  

Quel conseil pourriez-vous donner aux femmes qui n’osent pas se lancer ?

Oser, se faire confiance, avoir un peu d’audace et être entourée. Comme le dit la devise des Femmes Chefsd’Entreprises, seul on est invisible, ensemble, on est invincible. 

Citez un mot qui vous représente en tant que femme dirigeante ou à poste à responsabilité :

L’engagement 

Qu’est-ce qui vous a donné envie d’entreprendre / de devenir manager ? 

Mes parents étaient tous deux artisans, mon père chef d’entreprise et ma mère conjoint collaborateur travaillait avec lui. Leurs ouvriers l’appelaient « la patronne ». Et elle l’était. Une main de fer dans un gant de velours, aimée et respectée. Elle s’est engagée pour la promotion des femmes dans l’artisanat, elle fut la 1ère femme élue au comité directeur de la Chambre de Métiers d’Alsace et s’est engagée avec l’association des Femmes D’Artisans d’Alsace pour la reconnaissance du statut de conjoint  collaborateur d’artisan, combat qu’elle a mené jusqu’à son décès prématuré. Elle a été un modèle, une inspiration. 

Quel est votre endroit préféré à Mulhouse ? 

La forêt du Waldeck où j’adore courir. 

Une anecdote amusante de votre vie professionnelle 

Il y en a plein. Quand on fait un métier comme le mien, il y a des moments cocasses. Je me souviens d’une fois, j’étais jeune avocate, je faisais encore des gardes pénales. Je défendais un prévenu qui avait commis des actes graves et allait très probablement partir en prison. Alors que je lui expliquais les enjeux de son procès, il m’a fait du charme et demandé si l’on pouvait se revoir après tout ça pour prendre un café, ne comprenant manifestement pas que c’était sérieux… J’ai évidemment décliné et il a  fallu le recadrer. Il n’est pas allé en prison… Mais on n’a pas bu de café non plus !

Qu’est-ce qui vous motive dans votre métier ? 

Aider les autres. 

Que pensez-vous de la place de la femme dans la société 

Elle n’est pas simple. Notre culture, notre éducation, induisent hélas des croyances parfois limitantes.  Nous sommes soumises à des injonctions paradoxales que nous nous imposons nous même la plupart du temps, voulant tout réussir. C’est le syndrome de la bonne élève. C’est ce qui empêche de nombreuses femmes de briguer des responsabilités, par peur de ne pas réussir. C’est ce qui épuise aussi de nombreuses femmes car elles sont convaincues qu’il faut être parfaite en tout. Du coup la charge mentale est forte, l’insatisfaction inévitable. C’est dès le plus jeune âge qu’il faut casser les codes ancestraux. Arrêter de dire des fillettes audacieuses que ce sont des « garçons manqués », et des garçons timorés qu’ils sont des « poules mouillées ». Ces expressions sont affreuses. Chacun doit pouvoir exprimer son individualité sans jugement ni catégorisation. 

Quelles sont vos plus belles réussites en tant que femme ? 

La naissance de mon fils

Mon mandat de présidente de la délégation Mulhousienne des Femmes Chefs d’entreprises et plus particulièrement la création du collectif D’Ailes à Elles qui organise un parcours inspirant et bienveillant d’accompagnement au profit des femmes créatrices ou repreneuses d’entreprise. 

La création de mon cabinet et sa croissance progressive.  

Qu’est-ce que la journée des droits des femmes vous inspire ? 

La joie de célébrer un vrai moment de solidarité, de partager des envies et des ambitions communes, de fêter nos réussites, de contribuer aux actions menées pour mettre en lumière nos forces et nos talents. 

Mais aussi, nécessairement, de la contrariété à l’idée qu’il faille une journée de mobilisation sur notre sujet, car celle-ci n’est rien sans un engagement quotidien, de la contrariété fasse aux constats de certaines évolutions trop lentes… Cela ne devrait plus, en 2022, être encore un sujet … 

A votre avis, la solidarité féminine est-elle suffisamment exprimée dans notre société ? 

Non. La multiplication des réseaux féminins ne fait que le confirmer. Nous en avons besoin, nous avons besoind’espaces où exprimer cette sororité. C’est tout le paradoxe et la complexité de la place de la femme. La confusion entre les ambitions personnelles et l’intérêt collectif dessert parfois l’entraide et le soutien mutuel au profit d’un individualisme exacerbé… situation qui se retrouve de manière plus globale d’ailleurs sans distinction de sexe. La fraternité reste encore trop souvent un principe théorique 

Est-il plus aisé, aujourd’hui, d’imposer son genre à l’heure des décisions que par le passé ?… Pourquoi ? 

La question de l’égalité des sexes est un enjeu, politique, social et économique. 

C’est incontournable et c’est même une obligation légale. 

Il fallait passer par là pour que cette évidence théorique puisse tendre à la réalité. 

De ce fait, la voix des femmes devient incontournable. Même les plus réticents sont enclins aujourd’hui, àpartager leur siège. 

A vos yeux, quels sont les trois sports qui se conjuguent le mieux au féminin ? Les sports collectifs le sont naturellement, le volley, évidemment. Les sports d’endurance, la natation et l’athlétisme.